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l’humanitaire en tubes et l’enchantement du dévouement
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« Chanter pour défendre une idée, ce n'est pas nouveau,
affirme Serge Hureau, historien de la chanson. Prenez La Marseillaise:
elle avait déjà vocation à servir un intérêt
national ». Mais on en est à Solidays et aux restos du cœur
depuis 1985 et Bob Dylan, suivis plus tard par Coluche; au risque de brouiller
le message ?
Le contenu a en effet tendance à s'effacer au profit de l'habillage.
Vibrer de chansons et
de solidarité.…Mais, s’il n'y avait plus les paillettes
? Regardez, il n’y a plus grand monde après les shows; les
spectateurs s’éloignent quand les lumières s’éteignent:
normal, les vedettes sont parties: les groopies rentrent se coucher !
Chaussons, doudounes et édredons. Dodo et pas bobo !! Bon, on est
porté par la foule: on a donné 15 euro….
Et si on tournait enfin
le dos au gongorisme des partisans du cénacle humanitaire;
Qu’avons-nous besoin de caméras, de fêtes et de hourra
!! Fadaises !
Quelle reconnaissance nous soupçonne-t-on de désirer obtenir
?
Pour nous les responsables associatifs, il nous faut
manager les dévouements: recruter, élaborer
les stratégies, enrôler et motiver, structurer le militantisme,
encadrer le projet « ad hoc » et en préciser
les objectifs, ajuster les compétences aux besoins du terrain…
Nous trouvons nous donc
privés de grandes causes ? et la féerie du renoncement ? et
le charme diabolique du sacrifice ? et l’héroïsme de l’abnégation
?
Et vous les volontaires, mais qu’avez-vous en face de vous ? des gens
souffrants, sans moyens et ne comptant sur personne; vous trouvez vous donc
improductifs ?
Mais l’engagement; VOTRE engagement ! Que représente exactement
« l’humanitaire », sorti des contextes du Bien
et du Mal ? C’est qui d’ailleurs « le Bien »?
et pourquoi sont-ils « le Mal ? »…Ils…Les autres,
bien sûr !
Vous qui engagez une tranche de votre vie, un petit bout zélé
(tout petit) de votre existence, comment allez-vous les percevoir, eux,
ces lointains, les reconnaître en individus essentiellement démunis
de tout, les placer au centre d’une justification de votre action
: quel est justement ce besoin de justification ?
Avoir l’esprit
sans frontières, savoir passer au-delà sans quérir
d’autorisation, refuser les fac-similés de générosité
:(vous savez, les strass du cœur ?). L’humanitaire c’est
tout le contraire d’une démarche établie : on n’avance
qu’en remettant en cause les procédures prévues, les
règles instaurées, les programmes institués…N’apporter
que des moyens est une paresse d'esprit ; si vous secourez les plus faibles
il vous faudra évoluer en fonction des circonstances, improviser
et bidouiller de bon cœur en cherchant la bonne orientation tout en
déjouant les pièges tendus dans la forêt touffue des
bonnes consciences.
Ne tenez pas de propos
désabusés sur votre propre engagement : votre regard reste
frais et clair ; vous êtes héritiers de la tradition des dons
et de la charité dits « classiques » et tout aussi
de ce qu’on appelait « les humanités ». Et si je
reste persuadée que la discrétion est essentielle, conservez
dans votre démarche le romanesque indispensable qui nous fait allier
la blouse blanche à la tendresse.
Catherine
A.G. du samedi 30 octobre 2004
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